Une seconde annulation traduisant un manque de stabilité juridique
Pour rappel, depuis le 1er janvier 2022, la loi AGEC impose aux commerces d'exposer à la vente les fruits et légumes sans conditionnement plastique. La loi habilite le pouvoir réglementaire à identifier et exempter de l’interdiction les fruits et légumes présentant un risque de détérioration lors de leur vente en vrac.
Déjà le 9 décembre 2022, le juge administratif français avait annulé le décret du 8 octobre 2021 relatif à l'obligation de présentation à la vente des fruits et légumes et qui portait sur le même objet (voir en ce sens notre communiqué de presse du 13 décembre 2022).
Même si ELIPSO se satisfait de cette dernière décision du Conseil d’Etat, cette seconde annulation traduit un manque de stabilité dans les règles du jeu applicables aux fabricants d’emballages : « Nous souhaitons vivement qu’à l’avenir l’administration puisse associer plus étroitement ELIPSO dans l’élaboration de ses décisions, de façon à assurer la lisibilité règlementaire », souligne Gaël Bouquet, directeur général d’ELIPSO.
Le motif de l’annulation
Rappelons qu’en vertu d’une directive de 2015, tout Etat membre qui projette d’adopter une nouvelle règle technique doit en informer préalablement la Commission européenne. Concrètement, l’objet de cette règle est d’instaurer un dialogue avec la Commission préalablement à l’édiction d’une règle technique, l’Etat membre devant quant à lui retarder, de trois à dix-huit mois selon les cas de figure, l’adoption définitive du texte concerné, selon que la Commission estime ou non que le projet appelle une réaction de sa part.
Le Conseil d’Etat a donc jugé, dans la présente affaire, que le décret était entaché d’un vice substantiel du fait de son adoption avant l’expiration de la période de report prévue par cette directive. Il soulève également au passage que le non-respect de la directive de 2015 constitue un vice substantiel et qu’une règle technique ne peut être adoptée lorsqu’elle n’a pas été notifiée, ou lorsque, quand bien même elle a été notifiée, la période de report d’adoption n’est pas expirée.
Les conséquences de l’annulation
En effet, la loi AGEC et son décret d'application forment un « ensemble indivisible », selon les termes mêmes du Conseil d’Etat et en l'absence de décret il n'est donc pas possible de déterminer les fruits et légumes entrant dans le champ d'application de l'interdiction prévue par la loi AGEC. En d’autres termes, « sans décret, l’interdiction n’est pas applicable ».
L’administration devra donc adopter un 3ème décret listant les exemptions à l’interdiction de conditionnement plastique de certains fruits et légumes si elle souhaite faire exister l’interdiction de la loi AGEC. Elle devra néanmoins respecter préalablement la procédure européenne. Le Conseil d’Etat conclut ainsi son communiqué de presse, sans ambiguïté, par la prescription suivante :
« Il reviendra au Gouvernement, s’il souhaite prendre un nouveau décret d’application de la loi, de notifier préalablement son projet à la Commission et de respecter les délais imposés par le droit de l’Union européenne avant de l’adopter ».
Une question qui doit être replacée dans le contexte du débat européen en cours
Enfin, ELIPSO souhaite souligner qu’un règlement sur les emballages et les déchets d’emballages (PPWR), actuellement en projet, vise à unifier les règles du jeu applicables au secteur des emballages avec notamment un même dispositif de restriction de mise en marché du conditionnement plastique des fruits et légumes à compter du 1er janvier 2030, sous réserve d’exemptions à déterminer.
Dès lors, il serait cohérent que l’administration respecte cette séquence européenne, afin de permettre une harmonisation des règles portant sur le même sujet au niveau européen, pour des raisons évidentes d’équité concurrentielle et de lisibilité règlementaire.
ELIPSO sera particulièrement vigilant sur les différents aspects exposés ci-dessus avec la préoccupation que l’administration puisse à l’avenir adopter des textes équilibrés et soucieux de l’intérêt tant écologique qu’industriel.